Dix remarques à propos du confinement

Chroniques de la Trumpélie du Sud en Legaultélie

 

1. L’adulation des foules est éphémère.

Il y a trois semaines, Horacio Arruda faisait figure de héros national. On imprimait des tee-shirts à son effigie, on lui composait des chansons, on créait des gifs affectueux à partir de ses pantomimes. Cette semaine, son étoile a pâli. C’est trop long, c’est trop vite, il va nous rendre fous, il va nous tuer. Sic transit gloria mundi.

2.  Néanmoins, certains jouissent d’une popularité durable.

Prenez Ricardo. Je veux être Ricardo. Il est beau. Il est riche (quoique moins ces temps-ci). Il compte des milliers et des milliers de fans admiratifs. Tous les jours, bénévolement semble-t-il, il nous propose un plat réconfortant, avec sa caméra à l’envers, ses petites gaffes cute et sa joie de vivre inébranlable. Ricardo nous ferait avaler n’importe quoi. C’est lui qui nous a fait bouffer des trucs pas mangeables comme la sriracha et le sambal oelek. C’est lui qui est à l’origine de la pénurie de farine et de levure dans les épiceries. Il nous dirait de manger de la chnoutte que nous obéirions. («Cher Ricardo. Bravo pour ta recette de pâté à la chnoutte («le meilleur»). Cependant, j’ai remplacé la bave de rat par de la sauce soya, la farine de grillon par de la chapelure et comme je n’avais pas de granules de cyanure j’ai mis des graines de moutarde. Mon chum a adoré, lui qui d’habitude déteste manger de la chnoutte. Est-il possible de congeler cette recette?»)

À propos d’obéissance et de déglutition, Donald Trump a poursuivi hier sa quête d’un prix Nobel (de médecine, cette fois-ci), en avançant l’hypothèse selon laquelle on pourrait se débarrasser du coronavirus en s’injectant ou en avalant un désinfectant.  Je ne serais pas étonnée que les casquettes rouges du Mid West suivent leur idole et se mettent à trinquer au peroxyde ou au Lysol. Les mêmes qui rejettent des restrictions destinées à leur sauver la vie en criant qu’ils préfèrent la liberté à la peur et que le confinement s’assimile à l’esclavage. (Ils savent de quoi ils parlent puisqu’ils ne l’ont aboli qu’en1976 dans le cas du Kentucky.)

Cheers les boys.

3. J’ai eu une hallucination fugitive mais ô combien délectable.

Mon docteur, oui, oui, celui qui veut me couper la viande, le vin blanc, les talons hauts et tant qu’à y être toute nourriture trois jours par semaineme conseillait fortement de fumer quelques cigarettes par jour afin de me protéger contre la covid-19. Moi qui m’étais promis de recommencer vers 85 ans, je peux à présent espérer devancer cette date

4. Puisqu’il est question de vieillesse, voici une pensée encourageante.

La crise actuelle dans les chasseldés, comme dirait le docteur Arruda, sera certainement suivie de réformes en profondeur. Les chasseldés nouveaux n’ouvriront vraisemblablement pas leurs portes avant plusieurs années, mais ce sera juste à temps pour nous accueillir. On va-tu être assez ben.

CHSLD de rêve

5. Partout au Québec et dans le monde, qu’ils soient balayeurs ou pédégés, les gens perdent leur emploi.

Force est de constater, cependant, que des liens étroits avec le Parti libéral du Québec garantissent une longue carrière de haut fonctionnaire, quel que soit le parti au pouvoir. 

6. À propos de politique, le fameux dicton américain m’est revenu à l’esprit.

Be careful what you ask for, you might get it. («Faites attention à ce que vous demandez car vous pourriez l’obtenir») François Legault et la CAQ la voulaient, la job? Ben, ils l’ont.

7. Je me prends de plus en plus pour une astronaute.

J’en suis venue à voir ma maison comme la station spatiale. J’y vis dans une relative autosuffisance. Cependant, les intrants doivent être soigneusement sélectionnés, livrés et rangés. Les sorties dans l’espace hostile (dewors) se planifient rigoureusement et longtemps à l’avance, et elles nécessitent le port d’un équipement spécial. Je fais des expériences scientifiques, sur la germination des graines de piment vert, comme chacun sait. («Houston, I have a problem.») Et à l’instar de David Saint-Jacques et de Chris Hatfield avant lui, j’essaie de communiquer avec le monde extérieur grâce aux médias sociaux. (Je n’ai pas tellement plus de talent en musique que ce dernier.)  Comme eux, je ne suis ni vraiment heureuse ni vraiment malheureuse, je suis occupée et j’observe l’univers de ma fenêtre.

astronaute

8. Je ne regarde plus la tivi en streaming, ni de tivi tout court du reste.

Les séries sont ou bedon débiles ou bedon terriblement compliquées. Amateurs de Babylon Berlin, de La Casa de papel, de Dark, où allez-vous donc chercher votre durée d’attention?

9. Posez-vous honnêtement la question. De qui vous ennuyez-vous vraiment?

Je veux dire, vraiment vraiment?

10. S’entêter à partager sa station spatiale avec un chien et deux gros chats hirsutes et casaniers quand on souffre d’allergies, c’est accepter de connaître de fréquentes séries d’éternuements.

Éternuer bruyamment cinq fois de suite pendant qu’on fait la file à la porte de la pharmacie, même derrière un masque et un coude replié, même en région, c’est s’assurer d’un bon deux mètres de distance entre soi et les autres. 

Batman

Cet article a été publié dans Uncategorized. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

6 commentaires pour Dix remarques à propos du confinement

  1. Johanne dit :

    Ta meilleure à vie! (À moins que mon verre de Vouvray ne m’influence!)

  2. Anonyme dit :

    Tu as retrouvé tout ton mordant!
    Sylvie

  3. Anonyme dit :

    Tout à fait d’accord : ta meilleure à vie, même si mon verre de rosé m’influence pour sûr! et sait-on jamais, peut-être est-ce justement à cause de ton verre à toi que tu te surpasses ainsi! Bravo Marie-Claude, toujours un plaisir…

  4. maryse hamelin dit :

    La verte anonyme c’est moi!

  5. Céline Falardeau dit :

    Délicieuse chronique! Je vous dois mon premier sourire de la journée. Et mon deuxième aussi!

  6. Anne-Marie dit :

    J’ai bien ri. Ça fait du bien de rire autant. Quelle joie de lire tes articles même si je prend un peu de retard. Moi j’ajouterai à ma liste de personne qui me manque vraiment se sont les amis avec qui ont ri énormément lorsque nous nous rencontrons et vous en faites partie.

Laisser un commentaire