Au firmament

En deuxième service: réussir sa vie selon Luc Bédard. Ne ratez pas ça.


Au firmament de la pop-culture trumpélienne brillaient depuis des années deux supernovas: Oprah Winfrey et Ellen DeGeneres. Un troisième astre est en voie de se joindre à ce duo en la personne de Michelle Obama.

Commençons par une devinette. Qu’est-ce qui est fabriqué en vitre, qui est plat et vertical, qui émet de la lumière et de la couleur, qui attire le regard et hypnotise les foules?

… Et qui date du XIIIe siècle?

Lisez la suite pour le savoir.

 

Détour en Macronie

Puisqu’il faut désormais limiter nos voyages en avion, je vous propose un détour numérique et écologique par la Macronie (gilets jaunes facultatifs), plus précisément par la cathédrale de Chartres, bien connue pour ses fabuleux vitraux. En voici deux exemples:

Catherine-empereur

Saine Catherine se présente devant l’empereur et lui dit le fond de sa pensée. Il s’ensuit une bonne prise de bec, mais Catherine a l’Esprit saint de son bord.

Marguerite+dragon

Sainte Marguerite, aidée par un ange, terrasse un dragon, symbole du Mal. Elle n’en finira pas moins décapitée.

 

C’était long, au Moyen Âge, les messes et les divers offices auxquels était appelé le bon peuple. Ça parlait latin, on n’y comprenait rien pantoute. On ne savait même pas lire, ventrebleu! On voulait bien devenir un bon chrétien, mais comment faire? On passait son temps à travailler, on crevait de faim et on mourait du premier virus qu’on avait le malheur de pogner.

En revanche, on pouvait se distraire et s’instruire en contemplant les vitraux. Toutes ces couleurs qui chatoyaient! Toutes ces scènes poignantes qui dépeignaient la vie de Jésus-Marie-Joseph et tous les saints! Et les rois dans leurs beaux atours! Et les anges éblouissants qui nous attendaient au Ciel! Et Satan avec tous ses terrifiants suppôts qui ne demandait pas mieux que de nous dévorer si par malheur on avait un peu de fun sur la terre!

Enfin, un divertissement immersif, éblouissant et gratuit! Enfin, des héros et des héroïnes qui s’étaient illustrés, qui avaient transcendé la condition humaine et mérité la vie éternelle au firmament! On ne pourrait jamais les égaler, mais on pouvait au moins les admirer, s’en inspirer et attendre d’eux, qui sait, un miracle?

 

Fast forward huit siècles plus tard

Les temps modernes ont leur vitrail: c’est la tivi.

L’Occident a encore ses serfs: ce sont, entre des millions d’autres, les « associés » de Walmart au salaire minimum et à temps partiel.

Et comme le Moyen Âge, la pop-culture américaine du XXIe siècle a ses saintes: Oprah, Ellen et, de plus en plus, Michelle.

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Oprah Winfrey

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Ellen DeGeneres

Michelle

Michelle Obama

 

Selon Forbes, Oprah vaut 2,7 milliards de dollars US. Ellen, 15e dans la liste des célébrités les mieux payées, engrange 87,5 millions de dollars US par année. Michelle, ex-FLOTUS, a vendu 2 millions d’exemplaires de son autobiographie au cours des 15 premiers jours qui ont suivi sa publication.

Je ne suis pas plus smatte que les autres, j’aime bien ces trois filles. J’admire leur vision, leur détermination, leur sens des affaires, leur générosité, leur audace, leur sens de l’humour. J’envie leur garde-robe. (J’ai des jours Converse à la Ellen et des jours Louboutin à la Oprah.) Je ne suis pas une vraie intello. Il m’arrive souvent de regarder l’émission d’Ellen au lieu de celle d’Anderson Cooper et d’acheter le magazine d’Oprah plutôt que The Atlantic.

Tiens, je suis en train de lire l’autobiographie de Michelle. Née dans une famille ouvrière, elle n’a jamais dévié de sa route, jamais perdu ses objectifs de vue, jamais trahi ses idéaux, bref jamais foiré. Elle. Ça l’a menée on sait où, et ce n’est pas fini. Non pas qu’elle soit arriviste ou monstrueusement ambitieuse; elle est juste per-for-man-te.

Les chiffres cités plus haut laissent à penser que j’envie aussi la fortune de M.O.E. (Michelle-Oprah-Ellen), mais je les mentionne simplement pour souligner le formidable pouvoir que ces femmes possèdent.

Pouvoir d’être entendues, pouvoir d’influencer, pouvoir d’infléchir le cours des événements. Pouvoir de faire le succès ou l’échec d’un livre, d’un film ou de n’importe quel autre produit (O). Pouvoir de changer les mentalités sur l’homosexualité (E). Pouvoir d’aider au moyen de fondations qui oeuvrent aux niveaux national et international (M, O, E). Pouvoir de concourir à l’élection d’un candidat (O). Pouvoir de faire échec à l’obésité et à la malbouffe qui plombent l’espérance de vie aux États-Unis (M). Pouvoir d’inciter les filles et en particulier les jeunes Afro-Américaines à étudier et à développer leur potentiel (O, M).

Alors dites-moi, pourquoi M, O et E feraient-elles de la politique, comme tant de gens les y incitent? Pourquoi s’embarrasseraient-elles des innombrables contraintes inhérentes à la gouvernance alors qu’elles ont en ce moment les coudées totalement franches pour réaliser leurs ambitions, poursuivre leurs idéaux, devenir supercalifragilistiquement riches?

 

C’est quoi, d’abord, mon problème?

Malgré tout, je sens que M, O et E vont très bientôt franchir la limite que B (Beyoncé) a enjambée depuis plusieurs mois (pour d’autres raisons cependant) et se mettre à me gosser d’aplomb.

J’évite les foules, surtout quand elles sont en délire. Je n’embarque pas dans les cultes, surtout pas ceux de la personnalité. Je me méfie du pouvoir. J’en ai soupé du star-system trumpélien. Et, par-dessus tout:

J’haïs me faire dire quoi faire et, encore bien plus, quoi penser.

Même quand ça sort de la bouche d’une sainte, qu’elle soit du XIIIe ou du XXIe siècle.

 

Le mot de la pas fine

Mercredi le 5, c’était jour de deuil national en Trumpélie en l’honneur de George H. Bush. Drapeaux en berne, retours sur sa vie et son œuvre dans les médias, funérailles d’État pour rendre un hommage grandiose au 41président. Visiblement, une très grande partie de la population s’ennuie de l’époque où la dignité régnait encore à la Maison-Blanche. À ma connaissance, cependant, nul n’a laissé ces trois mots faire tache dans le concert d’éloges: affaire Iran-Contras.

http://www.slate.fr/story/166001/russiagate-irangate-trump-poutine-scandale

 

 


Portrait d’une réussite totale et c’est ça qui est ça

Luc Bédard

Moi, Luc Bédard, je n’ai fait, dans ma vie qui est une réussite totale et intégrale que l’univers m’envie, que de bons choix.

Des exemples? Dès 1960, à l’âge de six ans et de mes premiers émois amoureux pour ma maîtresse d’école, j’ai résolu de devenir plus tard professeur de cégep et co-blogueur,  et c’est ce que j’ai fait, enseignant la psychologie pendant plus de 35 ans dans un cégep, pas le plus recommandable je l’avoue – le Vieux-Montréal, là où il y a deux drogués par personne, sans parler des élèves -, mais bon. Quant au co-blogue, ben, c’est quoi que vous pensez que je fais sur cette page sinon réaliser mon rêve d’enfance? Bon, y a des pisse-vinaigre qui pourraient objecter qu’en 1960, je ne pouvais concevoir ces projets car ni les cégeps ni, a fortiori, les blogues n’existaient. Et la magie de l’enfance, ça ne vous dit rien? Vous n’avez donc pas de cœur? Pas étonnant que vous l’ayez ratée, votre vie, vous autres…

Bien sûr, tout le monde n’est pas moi et c’est bien dommage. Il y a dans l’univers des dividus qui font de mauvais choix, en fait, qui sont de mauvais choix. Maxime Bernier, par exemple, ci-devant chef autoproclamé du Parti Populaire du Canada et ci-derrière perdant en chef du Parti Conservateur du pays susnommé, a fait le choix pour le moins étonnant de venir au monde. Cela ne l’a jamais empêché de promener sa belle tête heureuse a mare usque ad mare, dans le plus total contentement de soi et une absence de doute qui force franchement l’admiration.

Cela dit, notre ami Maxime n’est pas seul dans son cas. Parcourant les belles ruelles de Montréal, Montebello, Louiseville, New York ou quelque autre bled pas rapport, vous rencontrerez peu de quidams prêts à vous avouer tout drette qu’ils ont fait de mauvais choix et, en général, foiré leur vie que c’en est risible. Une expérience célèbre de psychologie sociale l’a d’ailleurs démontré hors de tout doute: la très grande majorité des gens se considèrent plus intelligents, sympathiques, généreux que la moyenne, surestiment leurs chances de réussite dans l’avenir et sous-estiment parallèlement, mutatis mutandis – je n’ai aucune idée de ce que signifie cette expression mais je choisis régulièrement de l’utiliser et ça marche – les risques qu’il leur arrive des affaires toutes croches comme conduire saoul et rentrer dans la CAQ, mettons. Les seuls qui ont la mauvaise idée de voir la réalité telle qu’elle est sont les dépressifs chroniques. Sans joke! Ciel qu’on s’amuse.

La raison d’un tel aveuglement? C’est qu’on n’a juste pas le choix. Je viens de le lire dans un livre hyper songé: «Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n’y a pas de marche arrière». C’est bien beau, ça, mais faut vivre, merde. Et les choix ne font pas toujours la file pour nous sauter dans les bras. On ne peut quasiment plus devenir médecin si on n’est pas une fille car c’est elles qui raflent les meilleures notes à l’école. Évidemment, si on n’est qu’un pauvre mec, on peut toujours tenter de marier une étudiante en médecine, mais elles ne sortent guère, tout occupées qu’elles sont à étudier ou à marier des médecins.

Alors en affaires comme en amour, on fait avec ce qu’on a. On finit en général par se trouver, ou pas, un job, un-e partenaire, un char même. Et de temps en temps on demande à sa blonde, mettons, avec l’air mutin de qui connaît déjà la réponse, Minouououou, pourquoi m’as-tu choisi, moâââh, plutôt qu’un autre? Franchement, imaginez un instant qu’elle réponde Chose, quand je t’ai appelé – ou texté, ou tinderisé, ou whatever – ce soir-là, t’étais mon plan G, les six premiers que j’avais tenté de rejoindre n’étant ou ne voulant pas être là.

Attendez avant d’aller vous pendre en lisant cette histoire d’une infinie tristesse, y a un happy end. La conversation, mal engagée, se terminera sans doute par un Vois-tu, gros matou d’amour, ça pouvait pas mieux tomber et c’est sans doute le destin: t’étais justement le meilleur et je t’aime. Ce sera dit en toute sincérité car le cerveau humain, c’est démontré itou, dispose d’une panoplie de biais d’une admirable mauvaise foi pour réarranger la réalité et s’en accommoder, ou plutôt l’accommoder à nous. Cela inclut, entre autres, une fort opportune amnésie pour les mauvais choix ou ceux qu’on n’a pas faits, ou encore une réinterprétation cognitive – c’est le mot – de ceux qu’on a faits et auxquels on a confectionné des habits neufs qui leur donnent l’allure d’être rien de moins que proprement géniaux.

Bien sûr, ça ne marche pas à tous les coups, et on doit supporter dans sa vie une certaine dose d’amertume à noyer dans la boisson ou incinérer dans le cannabis légal. Car quoi qu’on en pense en s’engageant en affaires ou en amour, les risques que ça se barre en couille sont bien présents. Dois-je vous rappeler qu’un mariage – ou une union libre – sur deux finit pas une séparation? Comment peut-on sérieusement parier sur une entreprise aussi risquée? C’est simple: tout un chacun se dit que son couple fait partie du 50% qui résistera au temps, aux intempéries et aux enfants-rois.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mes parents, visionnaires comme pas deux, ont décidé de me concevoir: ils se disaient que je serais a beauty, comme disent les Français, sur tous les plans. Étaient-ils victimes de biais cognitifs qui leur donnaient une vision irréaliste de l’avenir? Bon non: eux, ils avaient raison.

 

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3 commentaires pour Au firmament

  1. Anonyme dit :

    Salut!
    J’aime toujours te lire et suis encore ébahie par ton grand sens critique qui me laisse, une fois de plus, sans voix (ou voie, je ne sais plus). Tes invités sont bel et bien à la hauteur! Chapeaux messieurs!

  2. Anonyme dit :

    Je ne suis pas anonyme, je ne comprend pas comment signer!
    Sylvie

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